‘21 en 26

Yvon Edoumou
6 min readJan 1, 2022

2021 s’achève. Je me suis amusé à retracer mon année à travers les 26 lettres de l’alphabet.

Arts- Evidemment que ça ne pouvait que commencer par ce mot ! Début 2021, en lisant un livre sur les grands artistes du 20ème siècle, j’arrive au chapitre sur Salvador Dali. Ce n’est évidemment pas la première fois que je lis sur lui, mais cette fois-ci des images des œuvres entraînent un violent flashback: je suis à Abidjan, à l’Hôtel Ivoire, je dois avoir autour de 10 ans, et je regarde sa fameuse pièce La persistance de la mémoire. Aussi loin que je m’en souvienne, c’est mon premier contact avec le monde des arts.

Bouquinistes- Dans la mégalopole kinoise, ils occupent une place importante sur l’échiquier littéraire car ils comblent un besoin : l’époque coloniale belge, les discours de Mobutu, la construction des discours de l’ex-président guinéen, Sékou Touré, manuel sur l’artiste belge Peter Bruegel, des livres bien plus récents, etc. Vous les trouverez chez ces bouquinistes à des prix qui ne correspondent en rien à la valeur des ouvrages que vous aurez acheté.

Chantilly- pas celui pour tartiner votre bout de pain mais la chantilly de…. beurre de karité. Vous connaissez surement le karité dans sa version naturelle, brute, essayez là dans sa version fouettée et légère, « idéal pour la peau et les cheveux ». Je l’ai découverte cette année via des marques ivoiriennes et sénégalaises.

Dakar- Si j’étais riche comme Mansa Moussa, j’achèterais Dakar. Point ! Lettre suivante !

Education- la bataille pour le savoir, la course vers la connaissance, une bataille que l’Afrique doit livrer sans retenue.

Un de mes nombreux livres achetés auprès des bouquinistes à Kinshasa. Credit Photo: Y.Edoumou

Filles- La vie n’est pas un long fleuve tranquille donc il faut savoir laisser le temps au temps : en septembre, mes deux filles, l’une 14, l’autre 19, se sont rencontrées pour la première fois. Oui il faut laisser le temps au temps. Maintenant elle se parlent sur Snapchat ou je ne sais quel réseau.

Goma- Côté pile, on connait l’histoire violente ; le côté face est moins connu : Goma, si elle ne l’est pas encore, deviendra dans quelques années, la capitale culturelle de la RDC. La quantité d’énergie créatrice dans cette seule ville surpasse toutes les autres villes du pays mises ensemble. Photographes, slameurs, dessinateurs, producteurs, danseurs, designers, ils sont autant de valeur que les mines dans le sous-sol.

Humain- Remettre l’Humain au cœur de tout, en commençant par nos relations avec nos voisins, dans nos quartiers, dans nos relations d’affaires. La course effrénée vers le bonheur individuel ne doit pas nous faire oublier le collectif. Il doit bien avoir un juste milieu entre le champagne pour quelques-uns et l’eau pour tous.

Inné- le premier mot qui me vient en tête quand je pense à tous ces artistes africains que j’ai rencontrés cette année. Le talent à l’état brut, des diamants bruts c’est bien, maintenant il faut travailler son art, se professionnaliser, comprendre l’industrie, savoir se vendre.

Jean Claude Desmerges- Ma rencontre la plus improbable de 2021 a eu lieu un weekend de septembre dans la ville côtière ivoirienne Assinie. En découvrant la ville, je rencontre Jean-Claude, artiste français, la discussion s’enchaîne, rendez-vous est pris le soir dans son hôtel pour voir ces œuvres. Papier, fusain, de la pluie…trois jours après, ma collection s’est agrandit d’un Desmerges. Affaire à suivre…

Kinshasa- Mythique, énergétique, déprimante, attachante, culturelle, artificielle, insensée, originale, brave, résiliente, énervante, illogique, démesurée.

Librairie- Je rêve d’une grande, vaste librairie de cinq étages à Kinshasa, des livres à perte de vue, ouverte de 24h/24, à prix abordables. Et d’une autre, et d’une autre. Oui nous devons remettre la culture du savoir, de la connaissance au centre du développement du continent.

Musées- Evidemment j’adore ces endroits, mais toujours un peu déçu quand j’y suis dans un en Afrique : très peu d’affluence. Le plus énervant c’est quand on me prend pour quelqu’un qui cherchait la boutique d’à côté et se serait perdu dans les halls du musée.

NFT [Non-Fungible Token]- les trois lettres qui sont sur toutes les lèvres dans l’industrie artistique. Simple buzz, bull ou révolution durable de l’art ? Time will tell. Quant à moi, j’essaie de bien comprendre comment ça marche.

Oxygène- Qui l’eut cru ? Indolore, incolore mais ô combien vital ! on l’a pris pour acquis. Aujourd’hui la pandémie nous rappelle à notre mortalité.

Papa- ce Dimanche nuit, mon soleil a été interrompu vers 3 heures du matin. Le matin, j’apprenais que mon père était décédé durant la nuit…vers 3 heures du matin. Je retiens sa simplicité, un homme versé dans la culture et la coutume akan mais très émancipé des pesanteurs inutiles de cette même culture. Je retiens aussi qu’il n’a jamais pu se défaire d’appeler la RDC par son ancien nom, Zaïre.

Questionner- Dans ce monde de virtuel, de manipulation, questionnez ! questionnez-vous ! questionnez ce que vous lisez, ce que vous voyez, questionnez ce qu’on ne vous dit pas, questionner même les questions.

Restituer- Oui restituer mais restituer quoi ? pourquoi ? à qui ? par qui ? qui décide ? qui donne ? qui accepte ? comment ? combien ? combien de fois ? quand ? où ?

Seemu- Début 2021, je découvre les dessins de cet artiste sénégalais sur Instagram — colorés, fun on parlerait de « pop art » mais à bas les catégorisations ! Les jours qui ont suivi, je me suis rendu au Plateau, Dakar, pour en acheter…un, deux, trois…beaucoup ! Retenez son nom, Seemu Sow ! [Instagram : Seemu ]

Dessin de l’artiste sénégalais Seemu Sow

Twitter- mon réseau social préféré, un vrai outil d’apprentissage. On y rencontre du beau monde. Dieu merci pour les options « block » et « mute ». Si vous voulez me suivre @yedoumou

Ubuntu- Cette philosophie a largement dominée mon état d’esprit durant l’année. Faire ensemble, grandir ensemble, être solidaire, tracer le chemin pour que d’autres puissent suivre vos pas et faire mieux que vous.

Violence- Avec le temps, je suis devenu très sensible à la violence, autant dans sa forme visible (physique) que dans ces manifestations moins évidentes, plus subtiles : violence économique (un « boss » dans son gros carrosse vs. un mendiant) ; violence intellectuelle (toi tu sais, lui ne sait pas) ; violence étatique (l’eau demeure encore un luxe pour des millions d’Africains) ; violence privée (nos peurs, nos faiblesses) : la violence qu’on donne, la violence qu’on reçoit.

Woke- Un des nombreux mots en vogue — né du mot anglais « to be aware » — , signifiant être au fait, alerté des injustices et autres discriminations. Le mot en lui-même ne me plait pas.

X- La peur de l’inconnu, de ceux qu’on ne connait pas, de ce qu’on ne connait pas. Or la seule manière de grandir et de se découvrir est d’aller vers cet inconnu, sortir de sa zone de confort. Une fois l’inconnu devient connu, la vie devient plus intéressante.

Yaka (Bayaka)- Peuple du sud-ouest de la République Démocratique du Congo dont l’histoire et les arts font partie de mes lectures de ces derniers mois.

Zaïre- Et si on rebaptisait le pays « Zaïre », et son fleuve Zaïre, et sa monnaie Zaïre ? Car comme l’a dit le poête-slameur Yekima, toutes les années Zaïre ne sont pas à haïr.

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